5 mois. 2 opérations. 10 heures de bloc. 6 heures de salle de réveil. 12 jours sans ma fille. 12 jours sans sa Maman. Des longs moments de souffrance pour du mieux que j’espère voir arriver bientôt.
L’appréhension d’être séparée de ma toute petite Précieuse était bien plus forte que celle du bistouri, du post-op et même de ma plus grosse phobie, l’anesthésie.
Prendre sur soi au moment des au revoir, faire celle qui part gaie mais qui transmet son amour par le regard jusqu’à la dernière seconde. Gérer les derniers jours avant la séparation pour ne pas être étouffante mais se nourrir d’une bonne dose permettant de tenir durant l’hospitalisation.
Juin 2016. Elle est venue avec son papa, sa mamie et son oncle Pêche. Cela a été dur. Elle était perturbée par ma faiblesse physique, décontenancée par ce lieu inconnu sentant le malade tous les 3 mètres et sûrement étonnée de repartir sans moi. J’ai eu un micro calin et un baiser qu’elle m’a accordé, blottie contre son papa. Le retour a été un peu dur car je ne pouvais m’en occuper comme je le souhaitais mais incomparable avec l’acte 2. Et nous sommes partis nous ressourcer dans notre sud familial 3 semaines après.
Octobre 2016. L’automne. Plus froid, plus frais, les journées plus courtes. Les enfants ne peuvent rentrer dans le service de chirurgie cardio-vasculaire. On l’avait déjà vécu. Alors on a fait le choix qu’elle ne me voit pas. Que je ne la vois pas. Mais elle était chaque seconde dans mes yeux, dans ma tête, dans mon coeur. Chaque photo, une bouffée d’oxygène, plus bénéfique que 10mg de morphine en dose éclair. Chaque son puisé au téléphone, une dope te permettant de t’accrocher.
Le retour. Des plus difficiles. N’ayons pas peur des mots. Une petite fille ayant pris 4 mois, avec un vocabulaire plus enrichi, une mémoire plus distincte et des émotions à fleurs de peau. La semaine avec papa s’est bien passée, c’est ce qu’on redoute le plus, qu’elle réagisse à l’absence. Oui elle a réagit mais dans la modération et avec un accompagnement adapté.
Mais quand je suis rentrée, elle a tout lâché. Son incapacité à supporter mon corps meurtri par ces cicatrices, son incompréhension à ne pouvoir être dans mes bras à sa guise. Elle a testé, elle a cherché, elle a crié, elle s’est mise en colère, elle a pleuré, elle en a même vomi de rage pendant de longs jours et de longues nuits. Et moi, mère impuissante devant le désarroi de mon enfant, forcément bouffée par la culpabilité de mon absence, de ma santé haïe, incapable de la soulager. Incapable même de supporter. Oh ça ne dure jamais. Non c’est comme tout. Il y aurait donc des durées prescrites selon les familles, les typologies, les histoires? On a pris cher, on s’est inquiétés 10 jours durant et on est encore prudent. J’ai contacté ma pédiatre qui n’a rien pu faire pour moi, m’orientant vers un pédo-psy mais des pédo-psys pour des urgences ponctuelles, c’est plus que compliqué. Des réveils nocturnes à n’en plus finir, n’ayant pas assez de doigts pour les compter. Des réveils différents, ceux où les câlins ne suffisent plus, où les mots n’apaisent pas. Des crises nocturnes inexplicables, interminables. Des nuits où t’endormir ne sert à rien.
Oui mon amour de fille il fallait que ça sorte. Alors c’est sorti. On a été obligé de cadrer même si ça nous a déchiré le coeur pour ne pas que tu penses que ces états, ces nuits, ces journées étaient de l’ordre de la normalité. Non c’était de l’ordre du passage.
Alors on a travaillé à évacuer la colère, on a mis des mots sur les maux, on a demandé à la colère de ne plus revenir, on l’a dessiné, on lui a fait comprendre qu’elle n’était pas la bienvenue, qu’elle gâchait, qu’elle faisait peur, qu’elle faisait mal. On a appris à respirer pour décompresser. Mamie a même offert un super cadeau pour remplacer la colère.
Depuis on est vigilant. Tout n’est pas paisible, tout n’est pas complètement serein. Le mot hôpital te fait réfléchir, t’angoisse. Tu te demandes si je vais revenir. Oui mon Amour, à moins d’un drame, je reviendrais toujours, comme le dit la chanson que j’ai inventé à ta naissance pour t’apaiser durant les crises de coliques. 🎼Les Mamans sont toujours là, les Papas sont toujours là🎼
Et s’il le faut je passerai ma vie à t’apaiser et mon meilleur remède contre la maladie, le plus fatiguant, le plus boostant, le plus énergisant, c’est Toi ma Précieuse.
Pardon ma fille, petite boule de nerfs et d’émotions de t’avoir fait vivre ça. Je n’ai jamais cessé de veiller sur toi, même anesthésiée, même loin et je te promets d’être toujours là, car tu es la plus belle chose qui me soit arrivée.