Il est 1h41, tu es là, blottie contre moi. Ma toute petite. Toi qui aura 4 ans dans cinq dodos. Ta main est sur mon bras et je sens le souffle de ta respiration. La lumière de mon téléphone me fait te contempler et me rappelle combien tu as chamboulé ma vie. C’est fusionnel diront-ils…
Mais tu chamboules aussi mon quotidien, par tout cet amour qu’on a du mal à gérer, toi et moi, et ce depuis toujours.
On râle, on se bisouille, on joue, je te gronde… Tu ne fais rien sans moi, j’ai parfois l’impression d’être une esclave de la Grèce Antique, je manque de mon propre oxygène qui ne servirait que pour mes poumons à moi et pourtant ma patience est maîtresse d’or avec toi. C’est ce qu’on me dit. Moi je ne trouve pas. J’aurais aimé ne jamais avoir levée la voix, ne jamais t’avoir dit de paroles maladroites ou innapropriées… Mais je ne suis qu’une maman ordinaire.

Tu es une autre petite fille quand je ne suis pas là. J’avale dix fois ma salive et je serre les dents quand j’entends bien trop régulièrement que « Tout s’est bien passé jusqu’à ce que j’arrive… ».
Mais pourquoi ma fille ?
On ne va pas se cacher, on est allées consulter une pédopsy pour remettre un peu de tiers sain, pour travailler les colères, mettre des mots sur les angoisses, trouver des solutions pour le sommeil.
Et là, telle une gifle en pleine face. On me répète que tu es très intelligente (je l’ai toujours su). Que tu comprends tout (c’est mieux).
Et que je ne suis pas irresponsable dans cette relation.C’est inconscient je t’assure ma fille. Est-ce parce que j’ai eu tant de mal à t’avoir? Ma sensibilité me fait-elle profondement défaut?
Je te pose pourtant des limites, je te dis la même choses que bons nombres d’autres personnes.
Mais tu en uses et tu en abuses. Et ça ne va pas en s’arrangeant.
Et moi, tu me manques dès que tu n’es pas là, même si je souffle. J’ai pris l’habitude de t’avoir avec moi la nuit alors que ce n’est pas ta place. Je te trouve toutes les excuses du monde et à moi aussi et je pense que je serai toujours notre avocate.
Je suis usée mais j’ai encore de la patience.
Je suis crevée mais il me reste de la force.
Les couchers sont interminables et rarement zens quand chez mamie tout est fluide.
Les bains sont à retardement quand tu vas te laver en sifflant avec ton père.
On y arrive toujours bien sur. Mais toujours avec un «mais », toujours en comptant jusqu’à 3, même s’il ne se passe jamais rien et que je reste longtemps sur le 2, 3/4… Toujours avec un chantage dur à assumer que je classerais plus dans la série des négociations. On a besoin l’une de l’autre. Comme la plupart des enfants avec leurs mamans (et leurs papas aussi). Tu es folle de ton papa. Par contre tu lui fais moins tourner la tête question folie. Tu sais avec qui faire tout ça.
Mais on a aussi besoin de s’aimer de façon moins fusionnelle, d’évoluer de façon moins collées. En restant proche, en s’observant mais en se laissant chacune ses libres choix. Que chacune reprenne sa place.
Tu lis en moi comme dans un livre. Tu as grandi dans mon corps tu t’es peut-être imprégnée de mes angoisses, j’aurais aimé te transmettre autre chose.

Ton besoin d’être collée à moi, je le connais. J’ai le même. Mais j’ai confiance en toi. Ça va aller mieux et on sera plus libres de nos mouvements et de nos activités, tout en nous aimant toujours aussi forts.

Mon bébé, ma toute petite, ma sensible, ma râleuse, mon little big caractère.
Je vais poser mon téléphone sans savoir si je posterai ou non cet article et je vais m’endormir en sniffant tes boucles d’or.