
Elle est nichée là, au plus près de mon plexus solaire. Une poche d’émotions, d’angoisses, de conservation de tout, une partie de ma mémoire interne et de mes réflexions quotidiennes. Je pourrais la dessiner sur mon corps avec un crayon tant je la sens, je la ressens, je la devine, je la vis.
Elle a pris ses quartiers, elle fait partie de moi, elle est moi.
Elle existe chez d’autres personnes aussi. Dans les rares à qui je l’ai présenté, certains ont reconnu sa description et m’ont avoué avoir la même. D’autres m’en parlent sans savoir qu’elle m’habite. Comme je les comprends. Et puis il y a les gens qui te prendraient pour une ahurie en pleine indigestion.
C’est pesant. C’est lourd. C’est dur. C’est ce qui m’empêche d’être forte. J’ai réclamé une opération pour qu’on nous sépare elle et moi. Je la sens tellement que si un jour elle apparaissait à l’irm je ne serais même pas étonnée. Pourtant elle n’est pas faite de sang, de canaux, de vaisseaux… Elle est composée d’émotions, de tracas, de soucis, de dilemmes, de questionnements, de sensibilité. Elle est celle qui fait que je ne suis pas assez forte et sûrement trop faible. C’est à cause d’elle que quand je décide que tout va bien alors que ce n’est pas si rose, je n’y arrive pas, je lutte pour surmonter les obstacles, les problèmes dans ma tête. Elle est là. Elle me fait mal. Elle me tord le corps. Elle fait des noeuds. Elle me crée une vraie gêne physique. Elle n’est pas psychosomatique. Elle s’incruste dans trop de choses. De toutes petites choses parfois. Elle ne laisse rien passer.
J’aimerais m’en débarrasser. On m’a parlé de médecines douces, de méditations, de cheminement personnel. J’ai essayé plusieurs choses sans jamais avoir l’impression d’être aller au bout. J’ai désormais la triste certitude qu’elle sera toujours là. Que même si tout allait bien, le moindre domino pouvant faire que tout s’enchaîne la réveillerait. Elle ne veut pas partir. Elle est moi. Je ne viens pas de la connaître, je l’ai toujours eu. Elle était là quand je guettais la voiture de mon père qui venait me chercher pour les vacances et que je crevais de l’intérieur de devoir me séparer de ma mère, de mon monde, pour rejoindre un univers qui ne me correspondait pas, où je me sentais mal déjà toute petite.
Elle est là quand je souffre des séparations. Quand je reste un moment sans voir ma mère alors qu’à 34 ans il n’y a rien de plus normal, quand je laisse ma fille pour une nuit alors qu’elle est bien et que cela me permet de souffler, quand je pars à l’hôpital et que je sais que cela va être difficile, quand j’assiste à un moment difficile ou triste chez les autres, quand je traverse des périodes de vide ou de doutes, quand j’ai des caps à passer. Elle est même là pour des choses qui semblent simples parfois. Elle est là pour me rappeler que je suis incapable de prendre quelque décision que ce soit sans créer des théorèmes au sein de mes méninges et de mes hémisphères cérébraux. Comme dirait Mr.Z même choisir un plat sur une carte est compliquée.
Je la hais. Je voudrais la transformer à défaut de la faire disparaître. Que sa force soit la mienne. Elle est en moi mais elle ne peut plus me faire mal comme ça. J’ai presque 35 Ans. Le Monde est en guerre et je me bats contre une boule d’émotions. Je n’en veux plus. Je veux vivre, assumer, rire et arrêter de me rendre malade pour tout et rien. J’accepte d’être sensible mais je veux que cette boule qui contient toutes mes émotions ne soient plus un handicap. Il y aura sûrement une suite à ces mots balancés sur une période où je ne peux plus la supporter.
Je veux être Maeva.
Juste Moi.