Alors non je n’ai pas la prétention de faire un remake du roman de Bruce Lowery à ma sauce. Dans ce roman, Jeff subissait les moqueries à cause de sa cicatrice et s’enfonçait dans une coupable solitude. Ce roman en a marqué plus d’un tant certains passages sont douloureux et difficiles à lire. Je ne suis pas Jeff. Je n’ai pas tellement le droit de me plaindre. Mais je ne la vis pas très bien. Ce chef d’œuvre a été entamé en juin 2016 et achevé en octobre de la même année.
Ce billet aurait pu s’appeler les cicatrices vu que plusieurs traversent mon corps telles des voies d’autoroute mais on se contentera du singulier, car si celles sur lesquelles j’ai besoin de l’épanchement sont bien deux elles se rejoignent pour n’en former qu’une que je déteste.
Oui je la déteste. Je suis lasse d’entendre qu’elle est belle, qu’elle a été bien faite, qu’elle est propre (encore heureux!), que ça aurait pu être pire, que Lucette connaît Jeannette qui a la même et que c’est une cata la sienne.
Non vraiment je suis lasse. Ce ne sont pas les autres qui vont me faire l’aimer mais bien moi. Peut-être un jour.
Elle est voyante, imposante, elle pose le décor direct. Je plaisante en disant qu’elle fait ghetto, chef de bande, qu’elle est là pour prouver que je suis une nana sur qui on ne marche pas.
Que nenni. Elle est là pour que jamais je n’oublie ces douleurs, ces moments difficiles, ces opérations et que mon corps a changé à tout jamais. Chaque cicatrice raconte une histoire. Celle-ci je m’en serais bien passée. C’est une trace imprimée sur moi. Je ne la vois pas seulement, je la sens. Elle me fait mal. Elle me gêne. Elle m’empêche de travailler comme j’aimerais car avant je pouvais appréhender, jouer avec les enfants, porter les bébés sans craindre un innocent geste ou coup de petite tête qui peut me provoquer une douleur inouïe sur le moment et lancinante sur la durée. Même à ma fille, je lui dis régulièrement “Fais attention à ma cicatrice mon cœur”. Elle me demande souvent de la cacher. Elle a détesté cette période. Et elle a bien compris que ce n’était pas quelque chose de naturel sur un corps. Parfois elle veut la toucher. Ceux qui ont des cicatrices savent combien c’est désagréable quand quelqu’un les touche. Mais ma fille je la laisse l’appréhender et je veux la rassurer. Ses bisous aident à apaiser ma douleur et ma colère.
Quand je vois certaines cicatrices, que j’entends certaines histoires de vie je me rappelle que je n’ai quelque part pas le droit d’en faire tout un truc. Je le fais ici dans mon univers ou avec mes proches du quotidien. Non je n’ai pas vécu la guerre. Oui j’ai été soigné par un chirurgien renommé. Quand bien même. C’est difficile.
Alors je la traite. Je la soigne. Je la bichonne. Je la cache. Je lui parle.
La nuit, je la crème avec Cicalfate d’Avène en couche épaisse telle un cataplasme. La journée je mettais Bi-oil mon allié mais le côté huileux et brillant ne fait pas toujours très clean et on m’a conseillé d’alterner. Je viens de commencer à appliquer le gel Bepanthene Cica. On verra. Oh je ne m’attends pas à ce qu’elle disparaisse. J’aimerais qu’elle s’atténue. Qu’elle se voit moins. Qu’elle me gêne moins. Qu’on parvienne à s’apprivoiser toutes les deux pour cohabiter de la meilleure façon possible. Je sais qu’il existe des traitements, des méthodes, des chirurgies. Je n’en suis pas là et avec ma chance légendaire je pourrais bien repartir avec un troisième axe à cet endroit! Il y a pas mal de nouvelles techniques pour les atténuer. Il faut avant tout fuir le soleil et attendre 18 mois avant d’envisager toutes réparations.
“- Tu fais quoi dans la vie?
– Rien, je poursuis des émotions, je trébuche dans des regards et je collectionne des cicatrices.”